Avocat au barreau de Paris et à la Cour Pénale Internationale, Gérald Pandelon est docteur en droit privé-sciences criminelles et docteur en science politique, diplômé de Science-Po. Chargé d’enseignement, auteur de plusieurs ouvrages, il est également membre du Bureau Politique de La Droite Libre.
1- Le ministre de l’Intérieur a fait état d’un premier bilan, à la suite des affrontements qui ont éclaté entre manifestants et forces de l’ordre, autour d’une réserve d’eau contestée en construction à Sainte-Soline, ce samedi 25 mars. Il faut compter « 24 gendarmes blessés dont 23 en urgence relative et 1 en urgence absolue », a précisé Gérald Darmanin. « Côté manifestants, 7 blessés, dont 1 en urgence absolue ». Comment en sommes-nous arrivés là ? Que s’est-il réellement passé ce samedi ? Quelles violences ont été commises ?
Afin que mon propos soit le plus didactique possible, il convient au préalable de résumer en quelques lignes les faits qui nous occupent aujourd’hui. Il s’agit de la construction de 16 méga-bassines d’une capacité totale d’environ six millions de mètres cubes devant être construites dans le cadre d’un projet porté depuis 2018 par une coopérative de 450 agriculteurs et soutenu par l’État. L’objectif est dans ce cadre de parvenir au stockage de l’eau puisée dans les nappes superficielles en hiver afin d’irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient, et ce, dans un contexte où la France non seulement recycle peu (0,6 % de réutilisation des eaux usées contre 14 % pour notre voisin espagnol et 90 % pour l’Etat d’Israel) mais également irrigue à peine (4,9 % de la surface agricole de notre territoire contre 20, 2 % pour notre second voisin italien). Ses partisans en font une condition de la survie des exploitations agricoles face à la menace de sécheresses récurrentes. De leur côté, les opposants dénoncent un accaparement de l’eau par l’agro-industrie à l’heure du changement climatique tout en réclamant un moratoire sur leurs constructions pour lancer « un vrai projet de territoire » sur le partage de l’eau. Le raccordement aux bassines serait en outre conditionné à l’adoption de pratiques tournées vers l’agroécologie avancent les premiers tandis que les seconds dénoncent de vaines promesses. Pourtant, ces bassins ne sont pas contraires à la loi, si l’on admet que leur construction est fortement encadrée, le préfet de chaque département en validant systématiquement la légalité, y compris pour la bassine de Sainte-Soline. C’est ainsi qu’après plusieurs études, notamment une enquête publique et l’avis favorable délivré par la commission d’enquête préalable tout comme celle du parc naturel du Marais poitevin, le chantier a pu démarrer. Or, sans rentrer dans le détail du bien-fondé ou non desdites bassines, dont aucun spécialiste n’est d’ailleurs à même de livrer une version similaire et sans qu’il soit possible d’en convaincre les réfractaires, c’est encore par la violence que les opposants entendent, comme pour la question des retraites, faire valoir leur opinion. Dans un contexte où les forces de police apparaissent dépassées par ces casseurs, comme ils le furent en partie au cours de l’insurrection « post 49-3 » imposé par l’exécutif. Nous souhaitions majoritairement que le droit puisse se manifester sans la force, nous avons assisté de plus en plus médusés au déploiement d’une force en marge du droit, au mépris de la loi, au mépris, en définitive, du peuple, qui en démocratie en constitue le pouvoir constituant originaire. La vraie question, à mon sens, est celle d’une définitive crise de l’autorité, une crise qui sur la plupart des sujets ne saurait être jugulée par celles et ceux qui nous ont toujours gouvernés. En effet, c’est leur idéologie qui est ontologiquement fausse, leur « logiciel », comme l’on dit aujourd’hui, qui est dépassé, suranné, inadapté, inefficace. A croire que seuls les membres de notre gouvernement ou ceux qui en sont proches par intérêts personnels ou professionnels, semblent se satisfaire de leur action, même s’ils sont toutefois de moins en moins nombreux. Pourtant, sans une révolution préalable des mentalités en termes de changement de paradigme, aucune action publique ne pourra désormais être réellement couronnée de succès. Nous sommes à l’heure des irresponsables alors même que nous aurions un urgent besoin que nos hommes politiques devinssent des hommes d’Etat.
2- Dans quoi basculons-nous ? Qu’est-ce que cela traduit sur la société française et sur l’état des tensions à travers le pays, alimentées par la mobilisation contre la réforme des retraites ?
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